Considérations portant sur l’écrasement des comprimés en gériatrie
M. Fodil a,∗ , A. Fillette b, C. Trivalle c
a Pharmacien praticien attaché. Service de pharmacie, hôpital universitaire Paul-Brousse, AP—HP, 14, avenue P.V.-Couturier, 94804 Villejuif cedex, France b Interne en pharmacie. Service de pharmacie, hôpital universitaire Paul-Brousse, 14, avenue P.V.-Couturier, AP—HP, 94804 Villejuif cedex, France c Gériatre, praticien hospitalier. Service de gériatrie, hôpital universitaire Paul-Brousse, AP—HP, 14, avenue P.V.-Couturier, 94804 Villejuif cedex, France
MOTS CLÉS
- Broyage
- Comprimés
- Écrasement
- Galénique
- Gélules
- Gériatrie
- Iatrogénie
- Personnes âgées
Résumé: En gériatrie, il est fréquent d’être amené à écraser des comprimés pour faciliter la prise des médicaments chez des patients présentant des troubles de déglutition et/ou du comportement. Cette opération peut cependant altérer considérablement l’efficacité des médicaments, leurs pharmacocinétiques et même conduire à des effets toxiques autant pour les patients que pour les soignants. Toutes les classes pharmacologiques sont concernées. Afin d’éviter des risques iatrogènes et professionnels potentiels, il est important de s’assurer au préalable de la formulation galénique, car certains médicaments interdisent toute manipulation. Nous proposons une liste simplifiée des médicaments pour lesquels il est interdit de les écraser et des recommandations pratiques.
En gériatrie, que ce soit à domicile, en institution ou à l’hôpital, la règle est de toujours privilégier la voie orale, y compris pour les médicaments. Dans cet objectif, les médicaments sont présentés sous diverses formes galéniques dont les comprimés et les gélules sont les plus fréquents. À chaque forme galénique correspond des propriétés pharmacocinétiques (absorption, diffusion, taux de principe actif, etc.) différentes, dont le respect assure le plein effet pharmacologique des molécules. Cependant, l’écrasement de comprimés est une pratique fréquente et parfois inévitable chez des patients souffrant de troubles de la déglutition et/ou du comportement. Cela arrive aussi fréquemment pour les patients porteurs d’une sonde naso-gastrique (SNG) ou d’une gastrostomie. Pourtant, cette manipulation peut être à l’origine d’une iatrogé- nie médicamenteuse (effets indésirables et/ou inefficacité thérapeutique) évitable si on respecte certaines recommandations. Ainsi, avant toute modification d’une forme pharmaceutique, il est indispensable de contrôler le type de formulation galénique et de vérifier si l’écrasement est autorisé. Dans les cas où cette manipulation est interdite, il faut chercher une alternative. D’une manière générale, les formes à libération modifiée (retardée ou prolongée, gastrorésistantes ou enrobées) ne doivent pas être écrasées ; l’écrasement détruisant la finalité de leur préparation galé- nique. Dans la plupart des cas, le risque est principalement d’être inefficace, mais certaines molécules ont une toxicité spécifique.
Une étude menée en juin 2009 au CHU de Rouen [1] a montré que 42 % des médicaments écrasés avaient une forme galénique qui contre-indiquait l’écrasement. Par ailleurs, le matériel utilisé (un mortier dans 92,6 % des cas) était commun à plusieurs patients dans 59,4 % des situations. Le matériel était nettoyé entre chaque préparation dans seulement 11,6 % des cas. Les médicaments d’un même patient étaient la plupart du temps écrasés ensemble (74,4 %).
Dans une étude réalisée un jour donné à l’hôpital PaulBrousse dans un service de gériatrie (61 lits de soins de suite et réadaptation et 62 lits de soins de longue durée), nous avons comptabilisé 49 sortes de comprimés écrasées. Pour neuf comprimés (13 %), il ne fallait pas les écraser, dont notamment des comprimés d’alandronate qui ont une toxicité buccale et œsophagienne.
Ces données confirment la fréquence de cette pratique en milieu gériatrique et renforcent la nécessité d’élaborer des recommandations spécifiques pour chaque médicament et des protocoles pour les procédures d’écrasement. Il existe maintenant de nombreuses listes de recommandations concernant les médicaments administrés par voie orale. La première liste en France ciblant des médicaments pouvant être administrés par sonde a été proposée en 1999 par le CHU de Nîmes [2]. Il en existe d’autres accessibles sur Internet [3]. Récemment, le groupe « Circuit du Médicament » de l’observatoire des médicaments, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (OMEDIT) de Haute-Normandie a diffusé une liste de comprimés, gélules et capsules pouvant être écrasés [4]. Si cette manipulation n’est pas recommandée, des alternatives sont également proposées. Le guide de la HAS de « sécurisation et autoévaluation de l’administration du médicament » [5] recommande d’établir une liste des comprimés que l’on peut et ne peut pas écraser. Certains groupes privés d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ont également rédigé leur propre livret du médicament [6].
Cependant, si toutes ces sources d’information se veulent souvent exhaustives et sont relativement faciles d’accès sur Internet, elles sont souvent difficiles d’utilisation. Ainsi, après un rappel des différentes formes galéniques dans le commerce, nous présentons des listes simplifiées des médicaments pour lesquels l’écrasement et l’ouverture sont interdits, en insistant particulièrement sur les molé- cules potentiellement toxiques. Enfin, nous proposons des recommandations pratiques concernant l’écrasement des comprimés. Nous avons volontairement choisi de présenter les médicaments en utilisant leurs dénominations commerciales plutôt que la dénomination commune internationale (DCI) car les spécificités de galénique peuvent être très différentes pour un même principe actif d’un laboratoire à l’autre, y compris pour les formes génériques.
Rappels sur la galénique
La plupart des médicaments récents mis sur le marché ont une forme galénique complexe [3], dont le choix de la galé- nique repose sur quatre critères principaux [3]:
- les critères physicochimiques (stabilité du principe actif, incompatibilité. . .);
- les critères pharmacocinétiques (libération du principe actif, biodisponibilité. . .);
- les critères pharmacodynamiques (dose initiale, durée de l’effet. . .);
- les critères de confort et commerciaux (goût, confort de la prise, couleur. . .).
En ce qui concerne les gélules, qu’elles soient « classiques », à libération prolongée (LP) ou retardée, elles peuvent le plus souvent être ouvertes (si les résumés des caractéristiques du produit [RCP] le mentionnent) et leur contenu mélangé à de la nourriture ou à une boisson (de préférence de l’eau) en veillant à ce que l’intégrité de leur contenu (exemple des microgranules) soit préservée (ne pas les mâcher, ni les croquer, ni les broyer). Seules les gélules ayant un contenu toxique ne doivent pas être ouvertes (en particulier les chimiothérapies) et les gélules gastro-protégées (exemple Cymbalta®). Pour le Modopar®, le patient doit impérativement avaler la gélule entière, sans la croquer ni l’ouvrir. De plus, l’absorption du Modopar® pouvant être modifiée par la prise des repas, il est recommandé, autant que possible, de le prendre au moins une demi-heure avant ou une heure après le repas. Pour les capsules molles, elles ne doivent pas être ouvertes car elles contiennent en général une suspension huileuse (exemple du Tadenan®).
Les comprimés à libération conventionnelle (non enrobés et enrobés)
Un comprimé conventionnel se définit comme étant une préparation solide contenant une simple dose d’un ou de plusieurs ingrédients actifs obtenue par la compression d’un volume uniforme de particules en poudre [7]. La ou les substances actives sont dispersées dans un ou plusieurs excipients (substances sans activité thérapeutique) pour faciliter la préparation des comprimés. Selon leur nature, les excipients jouent différents rôles : agents liants, diluants, désintégrants ou lubrifiants [8,9]. Dans certaines formulations, certains colorants et saveurs peuvent également être ajoutés pour améliorer l’apparence ou masquer un goût désagréable.
Les comprimés non enrobés
Ils peuvent être sécables pour une adaptation de posologie et écrasés pour faciliter la prise. Ils se désagrègent rapidement (de l’ordre de 15 minutes) et se présentent sous différentes formes : dispersible, oro-dispersible, sublingual, à sucer, effervescent ou classique.
Les comprimés enrobés
L’enrobage protège le principe actif contre la lumière, masque une saveur, un goût ou une odeur désagréable et facilite l’administration du médicament. Aromatiser une molécule pour la rendre acceptable est une opération décisive pour l’observance du traitement. Par ailleurs, l’arôme participe en tant qu’excipient au masquage du goût de certains principes actifs. Le produit est édulcoré avec du saccharose ou d’autres édulcorants autorisés, puis aromatisé ; banane, mandarine, menthe, citron. . .
L’enrobage peut être de différents types : dragéification, pelliculage, filmage. Les comprimés dragéifiés sont enrobés au sucre et les comprimés pelliculés sont enrobés à l’aide d’un filmogène en couche mince. Le pelliculage consiste à enrober un principe actif avec des agents filmogènes formant ainsi une pellicule dépourvue d’action pharmacologique, homogène lisse, souvent brillante et éventuellement colorée. L’enrobage s’applique généralement à toutes les formes orales solides, telles que les comprimés, capsules molles, gélules, granulés et microgranules [10]. L’enrobage gastro-résistant assure la protection du principe actif de l’action des sucs digestifs, le principe actif étant libéré au niveau de l’intestin.
Les comprimés enrobés (Tableau 1) ne sont jamais sécables et ont un temps de désagrégation plus long qui dépend du type d’enrobage : enrobage sucré inférieur ou égal à 60 minutes et pelliculé inférieur ou égal 30 minutes.
Les comprimés à libération modifiée
La pharmacopée européenne [7] définit les comprimés à libération modifiée comme étant des « comprimés, enrobés ou non, qui sont préparés avec des excipients spéciaux, ou par des procédés particuliers, visant à modifier la vitesse, le lieu ou le moment de la libération de la ou des substances actives ». L’enrobage par un polymère est l’une des méthodes d’obtention d’une forme à libération modifiée où la vitesse de libération du principe actif, est, dans ce cas, inversement proportionnelle à l’épaisseur du film [11,12].
Formes à libération prolongée
Les formes pharmaceutiques LP (Tableau 2) sont conc¸ues pour réduire la fréquence des administrations et maintenir des concentrations efficaces plus stables du médicament dans le plasma (absence de pics plasmatiques responsables d’effets secondaires), assurant ainsi un effet pharmacologique plus constant. Elles permettent le maintien des concentrations thérapeutiques de médicament jusqu’à 12 heures ou plus. Des excipients, un pelliculage ou un enrobage particulier permettent à la substance active de se libérer progressivement tout au long du tractus digestif. Une administration moins fréquente est plus pratique et amé- liore généralement l’observance du traitement. La libération du principe actif peut également être discontinue, des doses différentes sont alors libérées successivement. L’écrasement de ces formes LP est strictement interdit car il aurait pour conséquence une libération excessive du principe actif pouvant provoquer un surdosage et des effets toxiques. En revanche, la LP n’interdit pas systématiquement la sécabilité ; dans ce cas, les RCP le mentionnent explicitement.
Comprimés avec microgranules (pellets)
Les comprimés sont constitués d’une multitude de pellets entourés d’un film contrôlant la libération du principe actif. Par exemple, après administration de Métoprolol®, le comprimé se désintègre en nombreux pellets qui libèrent la molécule de fac¸on continue durant 20 heures.
Comprimés multicouches
Ce sont généralement des comprimés triple couches. L’action est diphasique, la couche intermédiaire ne servant que d’isolant. Cette formulation (dual release [DR]) permet d’avoir une dose d’attaque et une dose de maintien pour le même principe actif. Ce système n’est pas utilisé en France, mais existe pour le Xatral® et le Modopar® par exemple.
Comprimés osmotiques
On utilise le système Oros Push Pull pour réaliser ces comprimés (exemple : Chronadalate®). Ils sont enrobés d’acétate de cellulose réalisant une membrane semi-perméable qui par la suite est percée d’un micro-orifice visible à la surface du comprimé. Le noyau est un comprimé bicouche dont la partie supérieure contient, entre autres, le principe actif et la partie inférieure un agent osmotique (chlorure de sodium) et des dérivés de la cellulose. Lors du contact avec le liquide gastrique, l’eau diffuse à l’intérieur des deux parties du comprimé à travers la membrane semiperméable. Le compartiment contenant l’agent osmotique gonfle par absorption de l’eau et pousse le principe actif à l’extérieur du comprimé. La membrane reste intacte, elle est excrétée sous forme d’une coque flasque. Ces comprimés assurent une libération du principe actif de fac¸on régulière sur 12 heures.
Formes à libération retardée ou différée
Ces formes pharmaceutiques (Tableau 3) utilisent des enrobages appelés gastro-résistants ou entériques de manière à maintenir l’intégrité du principe actif jusqu’à sa libération au niveau de l’intestin. Cette formulation concerne les principes actifs irritants pour l’estomac (exemple : acide acétylsalicylique), détruits en milieu acide ou permet d’amener un principe actif directement au niveau de son site d’action. L’administration orale des formes pharmaceutiques à libération colique permet de protéger les principes actifs de potentielles dégradations dans l’estomac et/ou l’intestin grêle. Dans certaines pathologies, il est essentiel que les principes actifs arrivent au site d’absorption. La délivrance ciblée du principe actif au niveau du côlon est indiquée dans :
- le traitement local des pathologies du côlon (maladie de Crohn, colites ulcéreuses. . .);
- la chronothérapie pour les affections telles que l’asthme, l’hypertension, l’arthrite, l’arythmie cardiaque ou l’inflammation ;
- les substances actives instables dans la première partie du tube digestif.
Le broyage de ces formes galéniques pourrait donc provoquer des effets indésirables gastriques (selon les principes actifs) et/ou une perte d’activité thérapeutique.
Formes à libération accélérée
Pour ce type de formulation, le broyage n’a pas d’intérêt compte tenu de la galénique qui ne s’y prête pas. Dans cette catégorie, se trouvent notamment les comprimés effervescents, sublinguaux et orodispersibles. Les comprimés orodispersibles (exemple : Aricept®, Zyprexa® Velotab, Dafalgan® Odis) doivent être déposés sur la langue. Ils présentent un intérêt surtout lors de difficultés de déglutition. Les comprimés sublinguaux (exemple: Trinitrine®) doivent être maintenus sous la langue où ils sont absorbés.
Médicaments à haut risque
Cas des médicaments à marge thérapeutique étroite
La notion de médicament à « marge thérapeutique étroite » signifie que toute variation de sa concentration dans l’organisme, même légère, peut entraîner des effets indésirables, potentiellement graves ou son inefficacité. Autrement dit, la dose minimale efficace est très proche de la dose maximale tolérable. Leur maniement nécessite un suivi particulièrement attentif. Comme il est difficile de maintenir les concentrations plasmatiques dans l’intervalle thérapeutique, il n’est pas recommandé d’écraser ces médicaments (Tableau 4).
Cas des médicaments cytotoxiques, immunosuppresseurs, toxiques et irritants
Le broyage de ces médicaments représente un risque toxique pour la personne qui les manipule et peut être à l’origine d’accidents professionnels (Tableau 5). Certains ont une toxicité pour le malade lui-même. Les femmes enceintes (soignantes, infirmières) doivent être averties du risque de manipulation de tous les médicaments tératogènes comme le Chibro-Proscar®.
Les comprimés de Fosamax® et de Fosavance® ne doivent pas être écrasés car ils risquent de provoquer des ulcérations buccales et œsophagiennes. Le principe actif est fortement irritant, par conséquent les comprimés doivent être avalés entiers en position debout avec un grand verre d’eau. Concernant le Glivec® et le Methotrexate®, l’écrasement peut provoquer une inhalation accidentelle de la poudre « aéroportée » mais aussi un dépôt sur les différents endroits du corps (mains, bras, visage, yeux) et pourrait avoir des conséquences néfastes sur la santé des personnels soignants qui les manipulent.
Pour l’Art® 50, il n’est pas recommandé d’ouvrir les gélules car la diacérine est potentiellement irritante pour les muqueuses buccale et œsophagienne.
L’Avodart® a un effet tératogène chez la femme enceinte. Les capsules doivent être avalées entières, et ne doivent pas être mâchées ou ouvertes car le contact avec le contenu de la capsule peut entraîner une irritation de la muqueuse oropharyngée. Les capsules peuvent être prises au cours ou en dehors des repas.
Les gélules de Temodal® doivent être avalées entières avec un verre d’eau. Elles ne doivent être ni ouvertes ni mâchées. Si la gélule est détériorée, il faut éviter tout contact avec la peau, les yeux ou le nez. Si cela se produit, il est nécessaire de laver abondamment la zone concernée avec de l’eau.
En cas de nécessité d’ouverture des gélules d’Hydrea®, il convient de porter des gants protecteurs et un masque et de prendre les précautions nécessaires pour éviter tout contact avec la peau ou les muqueuses.
Les gélules d’Exelon® doivent être avalées avec une boisson, sans les ouvrir, ni les écraser, car elles peuvent causer une irritation locale en cas d’ouverture. En cas de difficultés d’administration per os, il vaut mieux utiliser la solution buvable (2 mg/mL) ou les timbres transdermiques qui libèrent 4,6 mg ou 9,5 mg de rivastigmine pendant 24 heures.
En pratique
La décision d’écraser un comprimé doit toujours être évaluée par un médecin après vérification des RCP (dictionnaire Vidal) et des différentes listes disponibles sur internet ou dans la littérature [3—5]. C’est une décision au cas par cas et il ne faut pas hésiter à consulter son pharmacien, voire le laboratoire pharmaceutique en cas de doute. Par ailleurs, les restrictions ne sont pas les mêmes selon que le médicament est administré per os ou par sonde. Dans cet article nous ne considérons que les molécules données par voie buccale. Les principales règles à respecter sont résumées sur le Tableau 6.
Toute modification de la forme galénique peut conduire à une modification du profil de libération et d’absorption du principe actif. Ce changement peut modifier la tolérance et/ou l’efficacité du médicament. Les principaux risques, si on ne respecte pas ces recommandations, sont des erreurs de dosage (sous ou surdosage), des risques de toxicité locale avec irritation ou d’ulcération des muqueuses, voire un risque tératogène pour les femmes enceintes qui manipulent ces traitements et enfin des modifications des propriétés pharmacocinétiques ou pharmacodynamiques. Le principe actif peut être libéré de fac¸on accélérée (exemple pour les formes retards) ou, à l’inverse, l’activité pharmacologique diminuée (exemple pour les comprimés gastro-protégés). Dans un certain nombre de cas, cette donnée est manquante et par précaution, il vaut mieux considérer que la manipulation est déconseillée.
Lorsque le médicament ne peut être écrasé ou la gélule ouverte (on retrouve en général sur la notice « ne doit pas être croqué ou écrasé » ou « doit être avalé entier »), il faut rechercher une autre alternative.
Pour écraser un comprimé, il faudrait utiliser un système « écraseur—broyeur » par patient [1], se laver les mains avant et après la manipulation, administrer les médicaments un par un (sinon il y a un risque d’interactions chimiques), immédiatement après l’écrasement (sinon, risque de dégradation du produit actif) et laver l’appareil après chaque opération. Si c’est un système de pilon et mortier, il doit être rincé à l’eau entre chaque utilisation. En effet, en l’absence de nettoyage des particules de médicament peuvent être administrées à un autre malade. Par ailleurs, la personne qui écrase doit mettre des gants de fac¸on systématique (risque allergique) et un masque pour les produits toxiques.
Il faut éviter les récipients intermédiaires et utiliser un véhicule le plus neutre possible pour administrer le médicament (eau) [1]. Ainsi, certains médicaments ne doivent pas être mélangés au lait (exemple du Ciflox®), pour d’autres (même lorsqu’ils ne sont pas écrasés) ils ne doivent pas être administrés avec du jus de pamplemousse (interactions au niveau du cytochrome-P450) et d’autres enfin peuvent être sensibles à la chaleur (destruction du principe actif).
Il est important de former les médecins et les infirmières à ces bonnes pratiques concernant l’usage des médicaments en gériatrie.
Conclusion
Le partage ou l’écrasement d’un comprimé doit être décidé au cas par cas, en fonction des propriétés galéniques de la préparation, de la stabilité et de la marge thérapeutique mais aussi de la toxicité des principes actifs. En effet, modifier une forme galénique peut modifier la stabilité et la biodisponibilité du principe actif, sa vitesse de libération, la durée de l’effet thérapeutique, voire entraîner des incompatibilités ou dévoiler une amertume inconfortable pour le patient. De plus, la modification d’une formulation galénique a un impact certain sur la dissolution et/ou l’absorption du principe actif et, en conséquence, sur l’effet thérapeutique et peut être à l’origine d’une iatrogénie médicamenteuse.
Bien connaître les comprimés à ne pas écraser doit permettre de diminuer le risque iatrogène en gériatrie. Nous espérons que cette présentation simplifiée facilitera le travail des équipes gériatriques dans leur gestion au quotidien des médicaments.